Les 5 libertés fondamentales du cheval : Un guide pour évaluer son bien-être
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Il arrive fréquemment que les propriétaires de chevaux s’interrogent : « Mon cheval est-il vraiment bien dans sa vie actuelle ? ». Cette réflexion m’accompagne régulièrement dans le quotidien avec ma jument. Or, il existe des repères concrets pour y répondre de manière éclairée. Les cinq libertés fondamentales du bien-être animal, développées par des experts et reconnues à l’échelle internationale, offrent une grille d’évaluation pertinente et accessible.
Formulées pour la première fois dans les années 1960, puis officiellement définies en 1979 par le Farm Animal Welfare Council au Royaume-Uni, ces libertés ont marqué un tournant dans la manière d’envisager la relation entre l’humain et l’animal domestique. Elles témoignent d’une prise de conscience du besoin de respecter le vivant… mais aussi de la lenteur avec laquelle cette conscience se traduit en actions concrètes, sur le terrain.
Loin d’être des notions abstraites, ces libertés sont devenues pour moi des outils pratiques, que j’utilise pour orienter mes décisions et ajuster l’environnement de ma jument. Elles permettent de dépasser l’idée trop simpliste selon laquelle un cheval en bonne santé physique est nécessairement un cheval qui va bien. Le bien-être animal est une notion plus complexe, qui mérite une attention nuancée.
Liberté 1 : Absence de faim et de soif
Ce que dit la science :
Le cheval doit avoir en tout temps accès à une eau propre et à une alimentation équilibrée sur le plan nutritionnel. Bien que cela puisse sembler évident, ces besoins sont souvent plus complexes à satisfaire qu’il n’y paraît.
Application concrète :
L’eau : Le cheval doit disposer d’une source d’eau fraîche, propre et accessible, été comme hiver. En saison froide, le système de chauffage des abreuvoirs doit assurer une température adéquate pour éviter le gel. Un cheval adulte consomme en moyenne entre 20 et 60 litres d’eau par jour, selon sa masse corporelle, la température ambiante et son niveau d’activité.
L'alimentation : Elle doit être adaptée aux besoins physiologiques de chaque individu. Ceux-ci varient selon l’âge, la condition corporelle, le niveau d’exercice, la race ou encore l’état physiologique (gestation, croissance, etc.).
Le rythme alimentaire : Le système digestif du cheval est conçu pour un apport continu de petites quantités de nourriture. En milieu naturel, un cheval passe entre 15 et 18 heures par jour à brouter. Cette activité est essentielle à son bien-être. En environnement restreint (box, écurie), il est important de reproduire ce rythme autant que possible. Des repas volumineux distribués en deux ou trois prises augmentent les risques de troubles digestifs (coliques, ulcères, etc.).
Pour répondre à ces besoins, plusieurs approches peuvent être envisagées : accès prolongé au pâturage, distribution du foin en plusieurs portions quotidiennes, ou utilisation de filets à foin à petites mailles, qui ralentissent l’ingestion et prolongent l’occupation.
Questions à se poser
- Mon cheval a-t-il accès à une eau propre 24 heures sur 24 ?
- Son alimentation est-elle adaptée à son âge, son métabolisme et son mode de vie ?
- Montre-t-il de l’appétit, ou semble-t-il indifférent à la nourriture ?
- Sa condition corporelle est-elle satisfaisante (ni amaigrissement, ni surpoids) ?
Signaux d’alerte
- Perte d’appétit soudaine
- Changement dans les habitudes de consommation d’eau
- Perte ou prise de poids rapide
- Léthargie persistante
Liberté 2 : Un environnement confortable et adapté à sa nature
Ce que dit la science :
Le cheval doit pouvoir maintenir une température corporelle stable, se reposer dans un environnement confortable et se protéger efficacement des intempéries. Plus encore, le cheval est une espèce conçue pour vivre en extérieur et en mouvement constant. Son bien-être ne se limite donc pas à la qualité de la litière ou de son box, mais s’étend à son accès à un environnement extérieur adapté.
Application concrète :
Priorité : la vie en extérieur
Le cheval étant un animal de mouvement, l’accès libre à un paddock ou à un enclos de grande taille constitue l’option la plus favorable à son bien-être. Selon l’Université de Guelph, une superficie d’environ 400 à 500 m² par cheval est recommandée pour lui permettre de se déplacer, de s’exprimer naturellement et de conserver une bonne condition physique et mentale. Plus la superficie est grande, plus les comportements naturels peuvent être exprimés librement.
Et si la vie en box s’avère nécessaire ?
Dans certaines situations (conditions climatiques extrêmes, blessures, organisation collective), il peut être inévitable de restreindre temporairement l’accès à l’extérieur. Dans ces cas, certaines conditions doivent être réunies pour préserver le bien-être du cheval :
- Un box suffisamment spacieux (minimum 3 x 3 mètres), permettant à l’animal de se coucher, se lever et s’étirer sans contrainte.
- Une litière confortable, propre, sèche et suffisamment épaisse pour amortir les appuis et favoriser le repos.
- Une ventilation adéquate, sans courant d’air direct, limitant l’humidité, l’accumulation d’ammoniac et les poussières.
- Des sorties quotidiennes, d’au moins plusieurs heures par jour, pour permettre au cheval de bouger librement, interagir avec ses congénères, sentir les odeurs extérieures et s’exposer aux stimulations naturelles.
Aménagement de l’environnement extérieur
Pour que l’espace extérieur réponde véritablement aux besoins fondamentaux du cheval, plusieurs éléments doivent être pris en considération :
- La présence d’un abri (naturel ou construit) contre la pluie, le vent ou le soleil.
- Un sol bien drainé, qui évite les zones boueuses ou glissantes.
- Une diversité d’aménagements : zones d’ombre, points d’eau éloignés des lieux d’alimentation, espaces ouverts pour favoriser le mouvement, la socialisation et l’exploration.
Questions à se poser
- Mon cheval passe-t-il suffisamment de temps en mouvement à l’extérieur ?
- L’espace dont il dispose lui permet-il de se reposer confortablement ?
- Bénéficie-t-il d’un abri adéquat dans son environnement extérieur ?
- Son environnement général favorise-t-il son bien-être physique et mental ?
Signaux d’alerte
- Réticence à se coucher ou impossibilité apparente de se reposer confortablement
- Postures figées ou tensions musculaires persistantes
- Comportements stéréotypés (grattage compulsif, morsure des barreaux)
- Apathie, manque d’énergie ou difficultés à se mouvoir
Liberté 3 : Absence de douleur, blessure ou maladie
Ce que dit la science :
Cette liberté implique à la fois la prévention des problèmes de santé et leur prise en charge rapide lorsqu’ils surviennent. Même dans un environnement bien géré, certains troubles peuvent apparaître : l’objectif est donc de les détecter précocement et d’intervenir sans délai, afin de minimiser la souffrance et les complications.
Application concrète :
Le bien-être du cheval repose en grande partie sur un suivi de santé rigoureux, qui combine prévention, observation quotidienne et réactivité.
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Prévention : Les soins de base doivent être effectués régulièrement. Cela inclut :
– les vaccins recommandés selon l’âge, l’usage et les risques environnementaux
– la vermifugation selon un protocole adapté
– les soins des pieds (idéalement toutes les 4 à 8 semaines)
– la dentisterie équine préventive. - Observation quotidienne : Le propriétaire ou la personne responsable des soins doit connaître les comportements habituels du cheval, afin de repérer toute modification subtile : démarche inhabituelle, posture figée, diminution de l’appétit, changement de tempérament, signes de douleur discrète ou d’inconfort.
- Intervention rapide : Lorsqu’un signe de douleur, de blessure ou de maladie est détecté, il est essentiel d’intervenir sans attendre. Certains problèmes bénins peuvent évoluer très rapidement chez le cheval, en raison de la sensibilité de son système digestif, locomoteur ou immunitaire.
Questions à se poser
- Le dernier bilan de santé complet de mon cheval est-il récent ?
- Son protocole de vaccination, de vermifugation et de dentisterie est-il à jour ?
- Ai-je remarqué des changements subtils dans sa posture, son comportement ou ses habitudes alimentaires ?
- Suis-je préparé à intervenir rapidement en cas d’urgence vétérinaire (contact, transport, trousse de premiers soins) ?
Signaux d’alerte
- Boiterie, même légère ou intermittente
- Réduction de l’appétit ou refus de s’alimenter
- Altération de la posture (dos voûté, poids déplacé sur les postérieurs...)
- Réticence au mouvement ou mouvements asymétriques
- Modification des crottins, ballonnement, température corporelle anormale
Liberté 4 : Liberté d'exprimer des comportements naturels
Ce que dit la science :
Le cheval est un animal grégaire, herbivore et nomade. Cette liberté met l’accent sur ses besoins comportementaux fondamentaux : se déplacer, interagir avec ses congénères, brouter lentement et explorer son environnement. Restreindre ces comportements engendre non seulement du stress, mais peut aussi mener à des troubles du comportement, de la santé mentale et même physique. De nombreuses études montrent que le bien-être psychologique du cheval dépend directement de sa capacité à vivre selon sa nature.
Application concrète :
Respecter cette liberté signifie aménager un mode de vie qui permet au cheval d’exprimer ses comportements innés. Cela peut se faire même dans un cadre domestique, à condition d’adapter l’environnement et la gestion quotidienne.
Vie sociale :
Les chevaux doivent pouvoir voir, sentir et idéalement toucher d’autres chevaux. Le contact social leur permet de créer des liens, d’exprimer des comportements affiliatifs (toilettage mutuel), de jouer — un besoin essentiel surtout chez les jeunes — et d’interagir dans un cadre hiérarchique stable, ce qui contribue à leur équilibre émotionnel. L’isolement prolongé est l’une des causes majeures de stress et de comportements problématiques. Même un contact visuel ou olfactif régulier peut atténuer les effets de la solitude si la cohabitation physique n’est pas possible.
Liberté de mouvement :
Les chevaux ne sont pas faits pour rester immobiles. L’accès à un paddock, à un pré ou à un système de type paddock paradise permet au cheval de bouger naturellement, de s’étirer, de jouer et d’explorer. Le box, s’il est utilisé, ne devrait pas être l’unique environnement du cheval sur 24 heures.
Alimentation lente et continue :
Le cheval est conçu pour manger de petites quantités sur de longues périodes. L’accès à une alimentation fibreuse disponible sur une longue durée permet de soutenir leur comportement naturel de broutage. Des dispositifs comme les filets à foin ralentissent l’ingestion et prolongent les périodes d’occupation, contribuant aussi au bien-être mental.
Stimulation mentale et exploration :
Un environnement enrichi (objets à renifler ou manipuler, parcours variés, nouveautés modérées) soutient la curiosité naturelle du cheval et limite l’ennui, qui peut être une source majeure de mal-être.
Questions à se poser :
- Mon cheval a-t-il des interactions sociales régulières avec ses congénères ?
- A-t-il la possibilité de bouger librement plusieurs heures par jour, voire en continu ?
- Peut-il manger lentement et à sa convenance, comme dans un comportement de broutage ?
- Son environnement favorise-t-il l’exploration et la stimulation mentale ?
Signaux d’alerte :
- Développement de tics (tic de l’ours, tic à l’appui, tic de langue, etc.)
- Agressivité envers l’humain ou les autres chevaux
- Lenteur excessive, apathie ou isolement social
- Hypervigilance ou sur-réactivité face à des stimuli mineurs
Liberté 5 : Absence de peur et de détresse
Ce que dit la science :
Le cheval, en tant que proie, est biologiquement programmé pour détecter les moindres signaux de danger. Cette sensibilité fait de lui un animal particulièrement vulnérable au stress chronique. La peur, l’anxiété et la détresse émotionnelle ont des impacts directs sur sa santé, son comportement et son système immunitaire. Même si tous ses besoins physiques sont comblés, un cheval en état de stress prolongé ne peut pas atteindre un véritable état de bien-être.
Application concrète :
Offrir un environnement émotionnellement sécurisant implique de créer des conditions stables, prévisibles et respectueuses des besoins psychologiques du cheval.
Prévisibilité et cohérence :
Les chevaux sont des animaux d’habitude. Des routines claires, des horaires réguliers pour l’alimentation, les sorties, les soins ou les séances de travail contribuent à diminuer leur niveau d’alerte. Les changements soudains, fréquents ou imprévisibles peuvent au contraire générer du stress.
Manipulation respectueuse :
Les interactions quotidiennes doivent se faire dans le respect de la nature sensible du cheval. L’utilisation de méthodes basées sur la coopération, la compréhension du langage corporel équin et le renforcement positif favorise la confiance. La formation des personnes en contact avec les chevaux est essentielle pour éviter des manipulations brusques, inadaptées ou incohérentes.
Environnement apaisant :
Le lieu de vie du cheval doit minimiser les sources de stress : agitation excessive, bruits soudains, promiscuité non choisie ou conflits sociaux non résolus. Un environnement calme et stable réduit l’hypervigilance et favorise la détente.
Lien de confiance avec l’humain :
Le cheval développe sa perception de la sécurité en grande partie à travers la qualité de ses interactions avec l’humain. Une relation basée sur la constance, la patience et la bienveillance contribue à réduire sa réactivité face aux nouveautés ou aux soins.
Questions à se poser :
- Mon cheval semble-t-il détendu en ma présence et celle des autres humains ?
- Réagit-il fortement ou de façon exagérée aux changements de routine ?
- Présente-t-il des signes de stress chronique (ulcères, tensions musculaires, comportements compulsifs) ?
- Son environnement est-il généralement calme, cohérent et sécurisant ?
- Ai-je mis en place des interactions positives, basées sur l’écoute et la confiance ?
Signaux d’alerte :
- Réactions de peur intenses ou fréquentes (fuite, sursauts, défensive excessive)
- Hypervigilance constante, sursauts au moindre bruit
- Évitement des humains ou refus d’interactions
- Troubles du comportement alimentaire (refus de s’alimenter, boulimie)
- Apparition de tics ou de comportements de compensation
- Difficulté à se détendre dans un environnement familier
Comment appliquer ces 5 libertés au quotidien ?
Faire un audit de bien-être
Une fois par mois, prenez 30 minutes pour évaluer chaque liberté concernant votre cheval. Notez ce qui fonctionne bien et ce qui pourrait être amélioré. Cet exercice vous aide à prendre du recul et à identifier des pistes d’amélioration concrètes.
Prioriser les actions à entreprendre
Si plusieurs aspects nécessitent des ajustements, commencez par ceux qui auront le plus grand impact ou qui sont les plus simples à mettre en place. Parfois, un petit changement peut faire une différence significative.
Adapter à votre réalité
Ces libertés représentent des objectifs à viser, non des règles strictes. Faites de votre mieux en tenant compte de vos moyens et contraintes. L’essentiel est d’être attentif aux besoins de votre cheval et de chercher continuellement à optimiser son bien-être.
En conclusion : le bien-être de votre cheval, une responsabilité partagée
Évaluer le bien-être de votre cheval à travers ces 5 libertés ne se veut pas un exercice culpabilisant. Il s’agit plutôt d’un outil précieux pour vous accompagner dans la prise de décisions éclairées, adaptées à vos moyens et à votre contexte.
Certaines journées, vous ne pourrez pas tout maîtriser. Il y aura des compromis, des imprévus, ainsi que des contraintes budgétaires ou logistiques, ce qui est parfaitement normal. L’essentiel est de garder cette grille d’évaluation à l’esprit et de poursuivre constamment vos efforts pour améliorer la qualité de vie de votre cheval.
Pour ma part, ces 5 libertés ont structuré ma réflexion autour des soins apportés à ma jument. Elles m’ont également guidée dans le choix de produits et de solutions naturelles qui respectent et soutiennent ces besoins fondamentaux.
Le bien-être de votre cheval est un parcours évolutif, non une destination fixe. Chaque progrès, aussi modeste soit-il, contribue à un meilleur équilibre et à une meilleure qualité de vie.
Sarah Pierard
Passionnée par les chevaux et engagée pour leur bien-être.